Un massacre de la République

Publié le par Ugly Duck

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CINEMA
Avec L'Ordre et la morale, Mathieu Kassovitz met en lumière une page qui compte parmi les plus sombres de l'histoire contemporaine de la France. L'assaut de la grotte d'Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, donné le 5 mai 1988 entre les deux tours de l'élection présidentielle. Un film engagé qui raconte la décision prise par la doublette Chirac-Mitterrand, relayée par l'adimrable Bernard Pons, ayant conduit à la mort de 19 indépendantistes kanaks et à celle deux gendarmes. Parmi les Kanaks morts pendant l'assaut, douze ont été tués d'une balle en pleine tête. Leur chef était vivant au moment de son évacuation mais mort à son arrivée à Nouméa.
L'histoire de cette prise d'otages est retranscrite en prenant le point de vue d'un homme du GIGN, le capitaine Philippe Legorjus, dont le rôle est interprété par Kassovitz lui-même. Entre le militaire et Alphonse Dianou, le jeune chef du commando indépendantiste, s'instaure la confiance permettant d'entamer le dialogue et la négociation. Mais l'ordre de l'assaut est donné par Paris. L'opération "Victor" est alors lancée. Legorjus obéit et participe à l'attaque la grotte avec ses hommes. Il démissionnera par la suite du GIGN et racontera cette affaire dans un livre.
"Cette histoire est incroyable, c'est bien plus qu'un simple fait divers. Elle est emblématique du refus des politiques à reconnaître leurs erreurs, les exactions commises, à accepter qu'une autre issue était possible, argumente Mathieu Kassovitz. Pour moi, c'est un film essentiel, qui suscitera le débat et dont j'assume complètement la responsabilité". Car la polémique est déjà lancée avant même la sortie en salle du film.
"Je veux pouvoir présenter le film en Nouvelle-Calédonie et en passant les circuits officiels, ajoute le réalisateur qui dénonce, des pressions inadmissibles
faites à Nouméa. Il faut que les Kanaks puissent voir le film, le censurer serait intolérable. De toute façon, nous avons un plan B avec un cinéma itinérant qui ira dans les tribus s'il le faut. Car ce film représente aussi un travail de reconciliation que les Kanaks demandent pour pouvoir refermer la plaie."
Il lui a fallu dix ans pour mener à bien ce projet. Entre l'écriture du scénario, convaincre les nombreuses composantes kanaks, trouver les acteurs, le financement, délocalisé le tournage sur l'île de Anaa en Polynésie... Mathieu Kassovitz a dû déployer une énergie et volonté incroyables pour réaliser L'Ordre et la morale. Il s'est rendu sur le Caillou avec Olivier Rousset pour rencontrer les familles des indépendantistes et obtenir leur accord. "Certains acteurs sont les fils des preneurs d'otages, l'homme que l'on voit mennoté à poteau est le propre frère de Dubelly Wéa, celui qui a tué Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné un an après, lors de la commémoration de la tragédie d'Ouvéa", explique réalisateur pour souligner l'implication et l'adhésion des Kanaks.
Pas de parti-pris, pas de leçon politique à donner affirme encore Kassovitz. Juste un retour sur un drame vécu par tout un peuple, pacifique et épris de liberté. "C'était si difficile d'entendre leur demande?"
"L'Ordre et la morale", de Mathieu Kassovitz, sortie nationale le 16 novembre.

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