Intouchable ascenseur à l'UGC

Publié le par Ugly Duck

CinéSOCIETE
Romain aime le cinéma. Depuis plus de sept ans, il fréquente les salles obscures de l'UCG Ciné-Cité du centre commercial Saint-Sever à Rouen, "le plus proche de [son] domicile". Romain est un cinéphile... handicapé, atteint de la poliomyélite, ou paralysie spinale infantile. Les muscules de ses deux jambes, mais principalement la droite, ne répondent pas aux ordres de son cerveau. D'où un équilibre plus que précaire. Et des chutes régulières dont les conséquences peuvent être dramatiques. "Quand je marche, je risque à tout moment de tomber, je n'ai pas de quadriceps, ces muscules qui bloquent les genoux et supportent le poids du corps. Un pavé mal scellé, une simple petite bosse, peut me faire tomber".
A chaque fois qu'il se rend à l'UGC de la rive gauche, Romain emprunte l'ascenseur pour redescendre au niveau 0 de la galerie marchande et rejoindre le parking.  "Les escaliers de ce cinéma sont un vrai cauchemar pour moi. Même s'il y a des rampes des deux côtés, parfois branlantes car mal fixées aux murs, j'évite de les emprunter. L'ascenseur est donc indispensable
". Le Rouennais a presque toujours pu prendre ledit ascenseur. "Il est même arrivé, lors de séances tardives, qu'ils gardent la grille du hall ouverte pour que je puisse l'utiliser et éviter l'escalier".
Mais samedi soir, sans doute par excès de zèle, un employé de la salle est venu s'enquérir de son choix de redescendre via l'appareil. S'en suit un amusant dialogue:
- Monsieur, vous ne pouvez pas prendre cet ascenseur, il est réservé aux personnes handicapées.
- Mais, je suis handicapé.
- Vous pouvez me présenter une carte d'invalide?

- Non.

- Alors, il faudra la prendre la prochaine fois.

-  Je ne suis pas titulaire de la carte d'invalide.
- Dans ce cas, je suis désolé mais vous ne pouvez pas utiliser l'ascenseur.

Visiblement, Romain n'est pas suffisamment paralysé. "Il y 20 ans, lorsque que j'ai fait les démarches pour obtenir le statut de travailleur handicapé, la Cotorep [devenue depuis la Commission départementale consultative des personnes handicapées] a jugé que je n'étais  pas assez handicapé. Je travaille depuis mes 16 ans, je n'ai jamais rien demandé, aucune aide, aucune pension... donc, pour eux, j'étais juste un handicapé bien intégré dans la société, qui n'a besoin d'aucune aide. Cette généreuse administration m'a tout de même accordé une carte verte indiquant ma difficulté à rester longtemps debout. Un machin pour demander, par exemple, une place assise dans un bus, mais ça n'a aucune valeur juridique, les gens peuvent refuser".
Samedi, Romain a passé outre l'interdiction de l'employé du cinéma. Et signalé sa délicatesse à un responsable du cinoche. Qui, lui, a botté en touche, excusant son collège sans doute surmené... "Ce type, avec son arrogance et ses manières de cow-boy m'a un peu gâché la soirée. Ce qui est marrant, c'est je suis allé voir Intouchables, mais peut-être que le gars ne connaissait pas le sujet de ce film".

2015 approche et donc la fameuse mise aux normes de tous les lieux accueillant du public. Des lieux qui devront alors devenir "accessibles" aux personnes à mobilité réduite (PMR), l'expression politiquement correcte pour dire personne handicapée. Mai
s gare aux PMR pas assez "atteintes", qui n'ont donc pas la fameuse carte et le macaron bleu qui va avec. Pour elles, pas de place de parking réservée, ni de caisse prioritaire. Et encore moins d'ascenseur à l'UGC.
Au moins, le cinéma rouennais a le mérite d'être équipé d'un ascenseur. Car certaines salles programmant le film, interprété par Omar Sy et François Cluzet, ne sont pas accessibles aux personnes en fauteuil. C'est le cas à Paris, mais aussi dans d'autres villes, ainsi qu'à l'UGC de Bordeaux. Malgré la loi, la moitié des cinémas français n'est toujours pas équipée pour recevoir les personnes handicapées moteur. Et quand elles le sont, il n'y a pas de caisse à hauteur, un accueil qui laisse parfois à désirer et des spectateurs parqués sur des places "obligatoires, très souvent situées au premier rang.

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